
Et si la frontière entre passer sa vie à jouer et jouer sa vie disparaissait soudain ?
Abi, recluse dans un monde médicalisé depuis un accident, ne vit plus qu’à travers son avatar légendaire.
Mais une nuit, la frontière entre réalité et pixels s’efface… et la voilà projetée dans son RPG préféré, libre, debout, vivante.
Entre humour caustique, amitié virtuelle et quêtes mortelles, Niveau 00 brouille les limites entre le jeu et la vie, entre l’évasion et la fuite.
Quand chaque choix peut te sauver… ou te supprimer du programme.

J’aurais donné n’importe quoi pour continuer de marcher et juste explorer ce monde, mais nous parvînmes à Haguelet.
Il s’agissait d’une sympathique bourgade médiévale composée d’une grosse vingtaine de maisons. De là où nous arrivions, je pouvais distinguer de l’autre côté de l’agglomération une rivière, un pont, puis une forêt dense.
Nous passâmes à côté de quelques villageois qui me dévisagèrent à chaque fois.
Les nouvelles têtes doivent être rares, dans le coin, c’est un coup à se retrouver avec comme papa son tonton, ça…
Il se concentrait ici tous les services dont pouvaient avoir besoin les cultivateurs, chasseurs et bûcherons de la région et, sans être exubérante, l’économie locale avait l’air d’être dynamique.
Nous arrivâmes en vue de la plus imposante maison du bourg et je compris immédiatement que nous tombions mal…
Plusieurs hommes se trouvaient en grande discussion sur le perron de la demeure et le débat semblait… plutôt animé.
Mon escorte s’arrêta au niveau du portail et sonna une solide cloche dorée pour attirer l’attention.
Les quatre personnages qui délibéraient se retournèrent. Selon l’individu, ils avaient l’air de se sentir ennuyés par l’interruption, soulagés ou inquiets.
— Qu’y a-t-il, Aunon ? demanda le plus âgé d’entre eux.
— Je ne sais pas si vous avez pu le voir du village, mais un étrange phénomène a eu lieu au cercle de pierre, répondit mon accompagnant.
Un gars de taille moyenne, plutôt rond, aux habits chatoyants, rétorqua en gesticulant :
— Nous avons de véritables urgences à traiter. Je te rappelle que des enfants disparaissent, ici !
Lui, il est de Marseille, c’est obligé. Juste à l’air qu’il brasse quand il parle ! Par contre, je comprends maintenant la méfiance immédiate du paysan.
L’homme âgé à la peau parcheminée qui se trouvait dans le groupe fronça les sourcils et tenta de le corriger :
— Au point où nous en sommes, nous ne pouvons rien négliger. Tout peut être lié.
Il se tourna vers un grand brun qui portait de lourds bijoux métalliques et dont les vêtements en peau de bête largement échancrés laissaient voir une puissante musculature.
Celui-là, il n’a pas l’air commode et c’est le seul qui soit réellement armé.
Effectivement, l’essentiel des habitants que j’avais croisé pour le moment se déplaçait sans arme. Et, les quelques exceptions que j’avais remarquées trimbalaient tout au plus des outils de chasse (arcs courts ou fronde) ou des bâtons, alors que lui était pourvu d’une véritable lame. Un fauchon long dont le fourreau témoignait d’un certain « vécu ».
— Desle, tu disais avoir aperçu une grande lumière venant du sud ?
— Oui, répondit ce dernier en hochant la tête.
Je m’en doutais, pas un mot en trop…
— Vous pensez que cela a à voir avec les enfants ? demanda le quatrième larron, les mains tremblantes.
À ses habits de fermier et à son air effondré, je parierais qu’il s’agit du père d’un des enfants disparus.
Le vieil homme se tourna vers Aunon (enfin, je connais le prénom de mon « garde du corps ») et l’interrogea :
— Dans quel état se trouve la Darkstone ? Quelle apparence a-t-elle ?
La fille d’Aunon, enthousiaste, répondit plus vite que son père :
— Ce n’est plus de la pierre, c’est un « énorme » cristal bleu ! lança-t-elle joyeusement en accompagnant le geste à la parole.
Le sage garda les lèvres pincées un instant avant de conclure :
— Cela est signe de grands bouleversements.
Ça, c’est de la conclusion…